lundi 18 septembre 2017

Le feu

Résultat de recherche d'images pour "crémation"Le feu. Je ne l'ai pas. Né dans un ventre glacé par les fièvres, je ne l'ai jamais eu. Je n'en veux pas non plus. Ma raison s'y oppose depuis toujours. Trop de symboles surexposés. Trop de métaphores mal pétries. Le feu de l'amour tue aussi sûrement que le feu de la guerre puisque, à la fin du compte, on est refroidi. Ce n'est pas que je me détourne des émotions fortes, des sentiments vibrants, voire de certains dérèglements des sens. Mais le feu, malgré ses bienfaits ancillaires,  le chaud et le cuit, me fait fuir comme une bête sauvage aux premières heures de la vie. Les ombres qui hantent sa lumière, fût-elle celle d'un lumignon, sont des serpents. Quand on les aperçoit, il est déjà trop tard. L'effroi crépite dans les yeux. La peau se met à grésiller. Les veines et les artères gonflent avant d'éclater. Des lames découpent les muscles. Comment échapper à l'équarrissage ? Où trouver un souffle assez puissant pour éteindre ce qui étreint ? Dans quelle mémoire ? Dans quelle volonté ? Je n'ai ni l'une ni l'autre. Ma carcasse est vide comme était vide le ventre de ma mère. Finirai-je, en un cauchemar baconien, suspendu à un croc de boucher ? Reluqué par d'autres corps en peine ? Ou bien, enfouis dans la glaise, mes viscères auront-ils à subir de lentes dévorations ? Ma raison encore s'insurge. Mon instinct se rebelle. Une seule solution s'impose. Le feu. Celui-là même dont on s’est tenu éloigné pendant la vie. Effacer tout ce qui a entravé. Dans la chair comme dans l'esprit. Puis disperser les poussières irréductibles. L'air se chargera d'achever le travail de disparition. Retourner avec lui dans l'invisible.

image pompesfunebrestoulouse.com

J'ai écrit ce texte il y a quelques années pour une revue dont c'était la thématique.

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