dimanche 25 septembre 2016

Alain Corbin, Histoire du silence

Le silence n'est pas le contraire du bruit. Mettons qu'il soit un bruit différent des autres, parfois assourdissant selon l'oxymore.
Dans Histoire du silence, Alain Corbin évoque sa dimension mystique et religieuse, monastique. De la Bible à Charles de Foucauld en passant par l'abbé de Rancé, les textes sont nombreux à dire la nécessité du silence pour entendre la parole divine  et celle des anges afin de l'intérioriser, de la méditer.
Le désir de silence grandit hors des cloîtres à partir de la Renaissance avec l'émergence de la notion de vie privée dans les classes aisées de la société. Surtout dans les villes, beaucoup plus bruyantes qu'aujourd'hui. Jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, c'est le grand tapage dans les artères de nos cités industrieuses.
" Depuis l'aube des Temps modernes, les cris de métiers, artisanaux et commerciaux, entretenaient un brouhaha permanent. La musique de rue, celle de nombreux baladins ou joueurs d'orgue de Barbarie, n'était pas encore réglementée. Des machines bruyantes se trouvaient installées partout, dans les ateliers, dans les échoppes... dans les étages d'immeubles parisiens. Les cloches, celles des églises paroissiales, celles des couvents, celles des établissements d'enseignement, ajoutaient au tintamarre. Les charrois assourdissaient la rue."
Le silence est aussi une attitude. Devant la grandeur d'une montagne et le fracas de l'océan, l'horizon du désert et l'immensité du firmament, ou, encore, la beauté d'un tableau dans un musée. Et le corps même, souffle coupé, en éprouve la profondeur. 
Le silence, enfin, est une émotion liée à un sentiment. Il existe des silences d'amour et de haine, de mépris, de sidération, d'incompréhension, d'effroi ou d'espoir fou... Il existe même des silences de classe sociale. L'intellectuel raffiné du sixième arrondissement se tait quand tonitrue l'ouvrier des Batignolles, forcément mal élevé.
En deux mille seize, le grand charivari médiatique et numérique, soumis à l'immédiateté financière, menace gravement le silence. L'homme hyper connecté doit de toute urgence le réinventer s'il ne veut pas perdre son intimité et sa faculté de penser.
Epris de littérature, Alain Corbin cite dans son ouvrage de nombreux écrivains et philosophes. Voici quelques-uns de leurs mots :
" Entends ce bruit fin qui est continu, et qui est le silence. Ecoute ce que l'on entend quand rien ne se fait entendre." Paul Valéry

" L'air y était saturé de la fine fleur d'un silence si nourricier, si succulent, que je ne m'y avançais qu'avec une sorte de gourmandise..." Marcel Proust évoquant une chambre

" Le silence seul est digne d'être entendu." Henry David Thoreau

" Sur le désert règne un grand silence de maison en ordre." Saint-Exupéry

" Les flocons se posaient un à un, sans cesse, par millions, avec tant de silence que les fleurs qui s'effeuillent font plus de bruit..." Emile Zola

" Et maintenant éveillé, je reconnaissais un à un les bruits imperceptibles dont était fait le silence : la basse continue des oiseaux, les soupirs légers et brefs de la mer au pied des rochers..." Albert Camus
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Histoire du silence d'Alain Corbin est accompagné par des tableaux de Magritte, Degas, Hopper et quelques autres.
Accessible au plus grand nombre, il est publié chez Albin Michel au prix de seize euros cinquante.



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