dimanche 10 juillet 2016

Rick Bass, Toute la terre qui nous possède

Mille neuf cent soixante-six  dans le Texas de l'Ouest. Castle Gap et la rivière Pecos. Plus bas, le lac salé Juan-Cordona. Le sel et le sable, autant de mirages qui hantent les paysages et rendent fous les humains depuis l'âge de pierre.
Richard, géologue, doit sonder les gisements de pétrole et de gaz. Mais ses rêves le possèdent tout autant que la terre. Avec l'énigmatique Clarissa dont la peau est diaphane, il fouille jusqu'à la fièvre les entrailles du sous-sol. Les fossiles sont innombrables. Les crânes aussi, de toutes les espèces. Parfois, le squelette entier d'un cheval apparaît. Puis les restes d'un chariot. Ses occupants ne sont pas loin, figés dans la cuirasse du désert. Marchands de sel ou voyageurs. Ici, entre deux strates dépliées comme des draps, c'est une femme en robe de mariée qui surgit de la nuit...
Au même endroit en mille neuf cent trente-trois. Un autre couple. Max et Marie. Max s'enrichit en récoltant le sel cependant que le cœur de Marie se dessèche. Les rives du lac sont aussi celles de la folie. Un jour, sous la fournaise qui vitrifie le sable, un éléphant échappé d'un cirque va dynamiter le cours de l'histoire.
Qu'adviendra-t-il de ces personnages lorsque Richard voudra retrouver Clarissa dix ans après leur amour mal accompli ? Que cherche-t-il à réparer des offenses qu'il a infligées à la terre parmi des soudards ivres d'argent ? Et surtout, qui est Annie ? Comment les yeux de cette petite fille peuvent-ils discerner toutes les ombres qui traversent les âmes ?
Toute la terre qui nous possède de Rick Bass est à tout point de vue, dessus et dessous, en ses angles et en ses biais, un roman géologique. Servi, et ce n'est pas si fréquent dans la littérature nord-américaine d'aujourd'hui, par une écriture qui revendique la poésie.Résultat de recherche d'images pour "rick bass toute la terre qui nous possède"
" Comme Richard, Craven avait appris à voir aussi clairement sous la surface des hommes que sous celle des montagnes et, tel un prestidigitateur, ce qu'il voyait sous la surface de Richard le troublait."
" Marie se rappela les écailles de diamant que l'éléphant avait soulevées dans son sillage, lorsqu'il avait traversé son lac de sel. Fatiguée et fiévreuse, elle se demanda si c'était dans la nature même de la vie de l'éléphant d'être accompagné, presque quotidiennement, de détritus pareils à des diamants qui marquaient son passage où qu'il voyageât ; elle se demanda quelle odeur, quel résidu ou quelle marque elle était destinée à laisser ; quelle histoire on raconterait d'elle encore et toujours. En cet instant, sa solitude se referma sur elle, aussi inéluctable qu'un étau."
Outre le sauvetage de l'éléphant qui met en scène des meutes de chiens et un dompteur désespéré, le lecteur se réjouira de la capture puis de la cuisson d'un gigantesque poisson-chat. L'allégorie finale des marionnettes construites par les enfants de la ville d'Odessa alors que l'eau polluée par l'industrie du pétrole retrouve sa pureté originelle constitue également un saisissement majeur. Comme un triomphe de l'espoir au fond des ténèbres.

Publié par Christian Bourgois Editeur et traduit de l'américain par Aurélie Tronchet, Toute la terre qui nous possède vient d'être repris en Folio.

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